386- Révolte des jeunes, les responsables

            ... Pour commencer, les parents des quartiers n’ont pas attendu ces messieurs de la haute société pour se soucier de leurs enfants. « Quand on est mère de deux adolescents qui sont Noirs, dit une maman, on a peur. On sait que même si on les tient, il suffit qu’ils soient dans la rue, même sans rien faire, pour qu’ils se fassent embarquer par la police ».

            Accuser les parents, c’est éviter de parler des vrais responsables. C’est même inverser les responsabilités en disant : si ça brûle dans vos quartiers, c’est de votre faute, c’est que vous éduquez mal vos enfants !...

            Début juillet 2023, dans de très nombreuses villes du pays, des dizaines de milliers de jeunes ont brûlé, cassé, affronté la police pendant une semaine. Un des arguments qu’on a entendus : « C’est la faute des parents ! ». Un préfet a sorti : « Deux claques et au lit ! ». Le ministre de la justice a lancé : « Qu’ils tiennent leurs gosses (…) Ce n’est pas l’Etat qui éduque les enfants, mais les parents ». Et Macron lui-même, le président, a répété durement : « C’est la responsabilité des parents de garder au domicile (…) pour la quiétude de tous ». « J’en appelle au sens de la responsabilité des mères et des pères de famille ».

            Pour commencer, les parents des quartiers n’ont pas attendu ces messieurs de la haute société pour se soucier de leurs enfants. « Quand on est mère de deux adolescents qui sont Noirs, dit une maman, on a peur. On sait que même si on les tient, il suffit qu’ils soient dans la rue, même sans rien faire, pour qu’ils se fassent embarquer par la police ».

            Accuser les parents, c’est éviter de parler des vrais responsables. C’est même inverser les responsabilités en disant : si ça brûle dans vos quartiers, c’est de votre faute, c’est que vous éduquez mal vos enfants !

            La plupart des parents des quartiers essaient de faire tout ce qu’ils peuvent pour leurs enfants, comme d’ailleurs les parents des quartiers bourgeois. Mais ils n’ont pas les mêmes moyens. Ainsi ce témoignage sur une mère célibataire : « Elle fait le ménage et la sortie des poubelles sur plusieurs sites, tôt le matin, tard le soir. La mère et le fils ne font que se croiser, ils deviennent des étrangers l’un pour l’autre. Grâce à son travail, la, mère lui achète tout ce dont il a besoin. Il ne manque de rien, sauf de sa présence ».

            Dans les quartiers bourgeois, on fait tout pour que la progéniture réussisse, que les enfants prennent les meilleures places, celles de dirigeants. Dans les quartiers populaires, la grande majorité des familles fait tout pour leurs gosses, parce qu’elles ne veulent pas qu’ils aient la même existence qu’elles. Et si certaines familles baissent les bras devant trop de difficultés, il y a en a aussi chez les bourgeois.

            Dans les quartiers, ce sont les femmes, les mères, sur qui pèse le suivi des enfants : près de la moitié (40%) des foyers sont tenus par des mères seules. Le père est parti, et il est parti aussi pour les enfants.

            L’éducation, elle vient aussi de l’école, et pas seulement des parents. Le diplôme, c’est l’école qui va le donner, ou pas. Mais l’école ne change rien à l’inégalité de départ. Dans les quartiers populaires, on met des enseignants tout jeunes, débutants, sans expérience, et pas du tout volontaires. S’ils sont dans certains cas un peu plus nombreux qu’ailleurs, ils coûtent en fait moins cher. C’est donc l’Etat, ses préfets, ses ministres, son président, qui décident que l’éducation donnée aux milieux populaires se fera au rabais.

            Le jeu de l’école est truqué : pour ceux qui sont déjà dans le beau monde, celui qui a réussi, il est bien plus facile d’apprendre les manières de réfléchir, de se comporter, de travailler, de parler, que lorsqu’on n’a que l’école pour y arriver. Et on n’a pas non plus les mêmes connaissances, les mêmes informations.

            Le résultat, les jeunes le voient, au fil des années, et des générations. C’est la difficulté, ou l’impossibilité, pour les voisins, les frangins, de trouver un emploi, un vrai, et à se sortir de là. Voilà pourquoi on a maintenant des jeunes de 14 ans qui peuvent tout casser. On détruit parce qu’on ne trouve aucune place pour construire.

            Le capitalisme condamne les populations pauvres à rester pauvres. Il accepte que quelques-uns réussissent à s’en sortir, mais pour mieux bloquer la vie des autres. Son monde est inégal, parce qu’il a besoin de l’inégalité. Un autre avenir est possible, c’est de vouloir lutter contre le capitalisme, pour aller vers un monde, au contraire, d’égalité.

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